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PENELOPE ou
OUI JE PEUX ETRE DECORATIVE !

2011

 

Pénélope voit le jour dans le creuset d'une colère persistante, mais aussi d'une inspiration inattendue. Il semblerait, à en juger par mes observations, que les émotions brutes et les récits de vérité suscitent peu d'intérêt et fatiguent, tandis que la couleur, le divertissement et la légèreté attirent et captivent. Ainsi, après des phases de construction, de démolition et de transformation, cette recherche expérimente un effet stylistique qui continue à me questionner.

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Le monde comme ci… et comme ça

J’aime Pénélope. Je n’ai jamais pensé qu’une telle femme existât. Jusqu’à ce que je trouve le récit de sa vie en vingt photos. Qu’elle a prises elle-même d’elle-même.

J’y ai cru. Tout ce que ses photos racontent d’elle est vrai. Pénélope ne peut pas mentir parce qu’elle embrasse le monde entier, que dis-je, elle y baigne. Est-ce que le corps nu dans l’eau peut mentir ? Pas plus que Pénélope dans l’univers.

Le monde, Pénélope l’avait déjà autour d’elle à sa naissance. Depuis, elle a tout accepté de lui. Même, qu’il ne soit pas toujours rose. Même lorsqu’elle éprouve de la colère à son encontre. Ou de l’inquiétude. Mais l’inquiétude n’est-elle pas l’autre nom de la curiosité ? Pénélope est avide, sensuelle, impatiente de goûter et de savoir.

Pénélope est physique. Pas seulement parce qu’elle a une peau de pêche autour de ses yeux verts. On en a l’eau à la bouche. Non, Pénélope éprouve tous les sentiments et toutes les sensations jusqu’aux orteils. Ce qu’elle reçoit du monde, elle le lui rend au centuple. Oui, Pénélope a un don, celui de transfigurer le quotidien. La hiérarchie, elle ne sait pas. Elle vit d’une mystique naturelle qui, loin d’aplatir ou d’égaliser les choses et les gens, les élève à leur dignité cachée. Pénélope a le sens de l’être.

Pénélope est drôle. Bienheureux en notre temps les gens qui ont de l’humour et nous font sourire. Celui que fait fleurir Pénélope sur nos lèvres, sur les siennes, est large comme son monde : il n’est pas saupoudrage, il est dans son acte créateur. Un acte qui réinvente la bande dessinée, ou plutôt la « bande-image », en redonnant sa place éminente à l’écriture. Texte et photographie s’informent et s’accomplissent l’un l’autre. C’est dans leur étroite imbrication que se manifeste la qualité la plus subtile du sourire de Pénélope. Quand elle écrit et donne à voir à la fois : « Pénélope est une femme bien dans son époque », il faut la croire. Mais encore ? Derrière l’affirmation… La dernière photo nous prévient : Pénélope est mille femmes, mille visages… Alors ? « Femme bien dans son époque … » Connivence avec son lecteur ? Dénonciation cachée d’un monde comme il va ? Fracture personnelle ? Bref, affirmations « à tiroirs » ? Si vous êtes doté du même humour que Pénélope, vous ne trancherez certainement pas. Laissez le rire se suspendre entre deux éclats de diamant, se prolonger dans l’infini du grand rire de la création. Concluez simplement que, fragile et solide, mais drôle, et même, indulgente pour le monde, Pénélope devrait être capable de tout surmonter. La joie scintille dans l’ambiguïté.

Pénélope pense. Penser est un fardeau, tout le monde le sait. Et beaucoup souhaiteraient s’en passer. Ils s’en passent trop souvent, hélas. Pénélope accepte la charge. Elle pratique une navigation à risques : s’approcher jusqu’à être dans les choses, s’en éloigner jusqu’à dire : « pourquoi ? » Ses photographies s’adressent directement à la réalité, elles osent lui proposer des suggestions : Pourquoi ne ferais-tu pas ceci… ou cela ? Comme ci ou comme ça ? Pourquoi ne serais -tu pas ceci, ou cela ? Oui, « qu’est-ce qui empêche ? », comme dit Pénélope en un magnifique raccourci.

Au fond, la vie de Pénélope et son travail photographique rendent obsolète un vieux problème philosophique, celui de la part des gènes et de l’environnement dans la construction d’une personne humaine. A partir de « ce qui est là », Pénélope crée Pénélope. A partir de « ce qui est là », Pénélope crée le monde et le transmet. Non par des artifices symboliques. Elle sait que le symbole, aussi utile soit-il, est à grande distance du réel, et constitue une vraie menace pour la création authentique. Elle crée et transmet par un savoir vivre, un savoir habiter le monde. C’est la source vraie de sa spontanéité et de son énorme franchise. Son œuvre photographique interdit qu’on les prenne pour une simple effusion autocentrée.

Ah, j’oubliais : Pénélope en ses photos est une artiste. Seule une artiste peut avoir le courage d’affronter, de signifier sensuellement et mentalement, d’offrir comme elle le fait, la couleur…

Jean-Pierre Maurel, 2011

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